A la recherche des contrats des RIP FTTH - un premier bilan

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Pour répondre aux besoins de débit, de grands chantiers sont en cours actuellement pour installer de la fibre optique partout en France. Soucieuse, comme toujours, de veiller à l'intérêt général en matière d'accès à Internet, la Fédération FDN suit de près l'organisation de ces différents chantiers. Notre but évidemment, est que les membres de la Fédération puissent opérer sur ces nouveaux réseaux.  Mais cela va un peu plus loin que ce seul objectif un peu égoïste : là où une structure de notre échelle peut opérer, des acteurs du même type peuvent. C'est le marqueur d'un marché sain.
Pour l'instant, les premiers résultats nous laissent un certain nombre de doutes.
 
1. Le cadre
 
Le pays est découpé par zones : denses, très denses, et non denses. Pour résumer, les obligations des opérateurs ne sont pas les mêmes suivant les zones. Nous allons ici nous intéresser aux zones non denses.  Construire l'infrastructure réseau pour ces territoires n'est pas rentable à court terme. C'est pour cela que la puissance publique est mobilisée dans ces zones, construisant ainsi des Réseaux d'Initiative Publique (RIP). 
 
Nous considérons que là où la puissance publique intervient, il sera moins difficile pour nous de nous faire une place. Il se trouve que la la loi (article L 1425-1 CGCT) donne pouvoir aux collectivités territoriales pour s'occuper de réseau. C'est ce pouvoir qu'elles délèguent aujourd'hui à des entreprises télécoms chargées de déployer l'infrastructure : on parle de délégation de service public (DSP). Puisqu'il s'agit d'une situation dans laquelle une entreprise privée exerce un pouvoir relevant de la fonction publique, la loi prévoit un certain nombre d'obligations concernant la façon dont les choses doivent être faites. C'est sur ces dernières que nous allons nous appuyer.
 
En premier lieu, naturellement, il y a une obligation de transparence. Le contrat fixant les modalités par lesquelles ce pouvoir public est délégué est lui-même un document public, que tout le monde doit pouvoir consulter. Cette obligation est fixée par la loi du 17 juillet 1978. Le site de la Commission d'Accès aux Documents Administratifs (CADA) fournit quelques explications utiles à ce sujet :
 
On pourrait s'attendre à ce qu'il ne soit pas si compliqué de se procurer les modalités de délégation, qui sont consignées dans un contrat, qui lie le délégataire (l'entreprise privée qui fait le déploiement) au délégant (la collectivité territoriale). Mais ce n'est pas si simple..
 
Le cas particulier d'une DSP dans le cadre du réseau entraîne d'autres obligations, qui sont réunies dans le texte de loi spécifique sus-mentionné (L. 1425-1 CGCT).
Entre autres points, le réseau posé pour la collectivité publique ne doit bien évidemment pas devenir le réseau privé de l'entreprise qui le pose. Il est nécessaire de faire en sorte que les autres opérateurs puissent venir utiliser ce réseau (d'où le fait que nous espérons pouvoir nous en servir). L'offre d'accès aux autres opérateurs doit être non-discriminatoire et proportionnée, c'est-à-dire être accessible aux petits FAI (comme ceux de la fédération : demander le même tarif aux gros opérateurs commerciaux et à de petites associations locales, clairement, ça ne marche pas).
 
 
2.  Notre démarche
 
Pour commencer à travailler sur le dossier, il est nécessaire de connaître la situation dans les différents endroits où un FAI membre de la fédération pourrait aller opérer. Nous avons commencé par réunir des informations sur les différentes DSP, afin d'identifier les différentes entreprises privées que nous devions contacter. Pour cet aspect, l'Association des Villes et Collectivités pour les Communications électroniques et l'Audiovisuel (AVICCA) a effectué un très important travail de recensement, sur lequel nous avons pu nous appuyer :
 
Une fois les différents délégataires identifiés, nous leur avons demandé, conformément à leurs obligations légales, de nous transmettre une copie du contrat les liant à la collectivité territoriale. Accéder à ce contrat est d'une importance cruciale pour savoir dans quelles conditions nous pourrons aller opérer dans la zone concernée. En effet, celui-ci indique toutes les conditions dans lesquelles se met en place la DSP, notamment le rythme auquel le territoire devrait être fibré, ainsi que les détails concernant les offres à destination des autres opérateurs (types d'équipements mis à disposition, coût d'accès à l'infrastructure…). Ce détail des offres est généralement regroupé dans une annexe au contrat appelée « catalogue », qu'il est donc nécessaire de connaître pour pouvoir venir opérer sur le réseau.
 
Nous avons donc contacté plusieurs délégataires pour obtenir ces contrats. Y compris pour les zones pour lesquelles il n'y a pas encore de FAI associatifs locaux, d'une part parce que nous espérons qu'il s'en monte, d'autre part parce que cela permet de comparer les différentes situations. Précisons que nous demandons ces informations au délégataire plutôt qu'au délégant. En effet, l'obligation légale de partager ces documents porte autant sur ces deux entités, mais nous considérons qu'il est préférable de solliciter le moins possible la puissance publique, déjà bien occupée par ailleurs, le délégataire étant payé, entre autres, pour fournir ce travail.
 
3. Les résultats
 
Nous avons donc envoyé une vingtaine de demandes, chacune concernant un contrat de délégation différent.
 
Sur ce premier jeu de demandes, les résultats ont été plus que mitigés :
  • Losange (Altitude/NGE concession en région Grand Est) et La Fibre Nouvelle Aquitaine (Axione Infrastructure/Bouygues Énergie Services en Nouvelle Aquitaine) nous ont bien envoyé un exemplaire du contrat. Cependant, aucun des exemplaires reçus n'était complet : d'une part, nous n'avons reçu aucune des annexes à ces contrats. D'autre part, une partie des informations dans les contrats eux-mêmes étaient « caviardées », c'est-à-dire noircies pour nous empêcher d'en prendre connaissance.
  • Un autre délégataire nous a envoyé leur cahier des clauses administratives particulières, c'est-à-dire un document de réponse à l'appel d'offre qui a servi à établir le contrat, mais ne contient pas nombre des informations du contrat lui-même. L'intention était là, mais ce n'est pas le bon document.
  • Dans deux cas, le délégataire nous a retourné, en lieu et place du contrat, l'« acte d'engagement », c'est-à-dire le document émis par le délégant pour indiquer qu'ils avaient remporté l'appel d'offre et étaient donc en charge de la DSP. Cela ne nous apporte aucune nouvelle information :  c'est à ce titre que nous les avions contactés.
  • Dans quatre cas, le délégataire nous a enjoint de demander le contrat au délégant plutôt qu'à eux.
  • Dans un dernier cas, c'est La Poste qui nous a indiqué que l'adresse de contact à laquelle le délégataire était censé être joignable ne correspondait pas (!).
 
Pour tous les autres cas, soit la moitié des demandes envoyées, nous n'avons, à l'heure de parution de ce billet, reçu absolument aucune réponse, alors que par ailleurs, nous avons reçu, pour chacun de nos courriers, l'accusé de réception.
 
Ce que nous en concluons pour l'instant, c'est qu'il est pour le moins surprenant que, sur ce sujet, les DSP contactées n'aient pas pourvu à une obligation légale pourtant élémentaire.