Charte de la fédération, commentée

La présente Charte n’a pas pour vocation d’être contraignante, ou imprescriptible, mais d’énoncer quelques positions de principe, fortes, qui semblent manifestes pour définir, aux yeux des fondateur·trice·s de la Fédération FDN, ce qu’est un fournisseur d’accès Internet associatif. Elle doit être considérée comme l’énoncé de certaines évidences, qui n’ont notamment pas besoin d’être exprimées de manière statutaire, mais doivent cependant se constater dans la pratique quotidienne de l’ensemble des fournisseurs membres.
 
Titre I - Fonctionnement interne
 
Les règles suivantes définissent le cadre dans lequel doit se trouver le mode de fonctionnement d’un fournisseur pour qu’il puisse être membre de la Fédération FDN, elles visent à assurer un mode de fonctionnement démocratique et à s’assurer que les fournisseurs sont dirigés au nom de leur abonné·e·s et membres.
 
1. Tous les membres du fournisseur doivent avoir le droit de vote en Assemblée Générale, ou dans l’organe correspondant.
2. Les dirigeant·e·s du fournisseur doivent être élu·e·s.
3. La·le principal·le dirigeant·e, ou le collège de dirigeant·e·s, élu·e, doit voir son mandat soumis au vote au moins tous les trois ans, idéalement tous les ans.
4. Tou·te·s les abonné·e·s à un accès Internet fourni par le fournisseur doivent être membres de ce fournisseur et disposer sous des délais et procédures raisonnables des droits correspondants dont le droit de vote.
 
Ces quatres points garantissent que les abonné·e·s puissent participer aux activités de la structure. Il est pour cela nécessaire que cette dernière fonctionne de façon démocratique. De cette manière on donne la possibilité aux abonné·e·s de garder le contrôle de leur accès et on fait en sorte qu'iels soient encouragé·e·s à prendre part à la construction de leur bout d'Internet.
 
5. Le fournisseur doit avoir dans ses buts, soit statutaires, soit constatés dans la pratique, la défense et/ou la promotion d’Internet (au sens du titre II de la présente Charte).
6. Le fournisseur doit exercer une activité, non marginale, de fournisseur d’accès Internet.
 
Si la structure a une autre activité centrale, les soucis du FAI et de ses abonné·e·s seront toujours traités comme mineurs. Dans ce genre de situation il y a toujours le risque que si l'activité de FAI pose problème ou demande plus de temps, les solutions soient expéditives.
 
Exemple : Une école qui donnerait accès à ses étudiant·e·s, ou par exemple pour les logements de fonction sur le campus, en respectant tout les autres critères ne pourrait pas faire partie de FFDN car ce n'est pas sa vocation première. Par contre, une asso étudiante qui s'occuperait essentiellement de cet accès, oui.
 
7. Les particuliers doivent pouvoir devenir membre du fournisseur.
8. Les dirigeant·e·s statutaires sont bénévoles.
 
Si les dirigeant⋅e⋅s sont rémunéré⋅e⋅s pour leur activité de direction, la structure est considérée comme lucrative, et n'ayant pas une gestion désintéressée. (Jurisprudence du fisc, circulaire dite "Jospin" de 1998 sur la fiscalité des associations).
Mis à jour en 2006 :
 
9. Les bénéfices faits par le fournisseur sont systématiquement conservés en trésorerie ou investis, mais jamais redistribués.
10. Le fournisseur s’interdit d’avoir recours à des méthodes commerciales, comme par exemple l’achat d’espace publicitaire.
 
Fiscal. La définition de la gestion désintéressée.
 
Titre II - Définition d’Internet
 
Les éléments suivants donnent une définition de ce que les membres de la Fédération considèrent être Internet, permettant de donner une lecture commune des buts de la Fédération.
 
1. Internet est un réseau public, résultat de l’interconnexion selon des protocoles ouverts de réseaux opérés par différents acteurs. Un simple réseau de service numérique n’est pas Internet.
 
Nous faisons une différence entre l'accès Internet et l'accès à un service sur Internet. Par exemple une télévision vendue avec un accès NetFlix n'est pas un accès a Internet c'est un accès à Netflix simplement. La liseuse Kindle équipée d'une carte SIM  ayant sa propre connexion indépendante de votre réseau n'a accès qu'au service Amazon, c'est donc un réseau de service numérique, mais pas un accès à Internet.
 
2. Internet est le réseau public routé par le protocole IP, suivant les normes et standards, adressé par des adresses publiquement attribuées par l’Internet Assigned Numbers Authority, les 5 Regional Internet Registry et les Local Internet Registry. L’accès à un réseau réalisé par la fourniture d’une adresse non publiquement attribuée n’est pas un accès à Internet, mais à un réseau numérique de services.
 
Si une adresse IP publique donc qui est accessible directement depuis Internet ne vous est pas fournie, ce n'est pas un accès Internet mais un accès pour consulter des services sur Internet.
 
Exemple : Les adresses distribuées pour les téléphones par les réseaux 3G/4G chez les opérateurs téléphoniques ne sont pas des adresses IP publiques. Ce n'est pas considéré comme un accès Internet par la FFDN.
 
3. Internet grandit à chaque fois qu’un accès est en activité, mettant en ligne un ou plusieurs serveurs potentiels, et réduit quand cet accès est éteint. Un réseau numérique, fût-il routé par des adresses publiquement attribuées, qui empêche techniquement cette caractéristique essentielle, n’est pas Internet.
 
Exemple: Un service VPN ne permettant pas l'hébergement d'un service sur la machine ayant l'accès n'est pas un acces Internet.
 
Autre exemple : Une Box ne permettant pas de rediriger les ports vers une machine dans son réseau.
 
Avec ces trois points nous pouvons garantir un réseau où l'intelligence (ou les données)  est en péripherie du réseau contrairement au reseau téléphonique où l'intelligence est dans le réseau (tout nouveau service s'ajoute en modifiant le réseau lui-même), ou au réseau de télédiffusion où l'intelligence est au centre (les émetteurs décident de ce qui est diffusé). 
 
 
Titre III - Obligations des fournisseurs
 
Les fournisseurs membres respectent, envers leurs membres et entre eux, les obligations suivantes.
 
1. La fourniture d’au moins une adresse IP publique routable à chacun·e de leurs abonné·e·s.
2. L’abonné·e doit avoir la possibilité que cette adresse IP soit fixe, sauf contrainte technique majeure, en particulier liée au mode d’interconnexion. Cette possibilité ne doit pas être liée à un surcoût, ou au pire, une refacturation de frais réels constatés doit être proposée à l’abonné·e.
 
Si la structure de l'opérateur fait que la fourniture d'une IP fixe coûte de l'argent, ça ne pose pas de souci que les IPs ne soient pas fixes pour les abonné·e·s qui n'en expriment pas le besoin. Mais celles et ceux qui veulent une IP fixe doivent l'avoir, et ce n'est pas un luxe ni un produit destiné à faire de la marge.
 
3. Le fournisseur s’oblige à fournir un domaine ou un sous-domaine aux abonné·e·s qui en font la demande, et ce sans surcoût, ou au pire, une refacturation de frais réels constatés. Ces domaines doivent être déclarés et gérés sur une hiérarchie de serveurs DNS publiquement accessibles.
 
Dans son abonnement l'utilisateur·trice doit pouvoir bénéficier d'un domaine où iel pourra en faire ce que bon lui semble. 
 
Exemple: Si l'abonné·e a login.fdn.fr et veut ajouter un sous-domaine (machin.login.fdn.fr) et le faire pointer vers une adresse qui n'est pas située dans le réseau de l'opérateur, iel doit pouvoir le faire. 
 
Il existe des hiérarchies DNS autres que la "principale" (celle que tout le monde connaît), et cette clause n'interdit pas de s'en servir. On peut faire du .onion, ou du .42, si on a envie.
 
4. Le fournisseur s’interdit de porter atteinte, en quoi que ce soit, aux données transportées pour les abonné·e·s, sans l’accord de l’abonné·e concerné·e. En particulier il s’interdit de modifier les contenus des messages échangés, en dehors des modifications strictement nécessaires au bon fonctionnement d’Internet (aucune modification en dehors des en-têtes protocolaires nécessaires pour le routage).
 
Le fournisseur s'engage ici à ne filtrer ni modifier aucun contenu. Si je décide de mettre un serveur mail sur le port 80, je le peux et il sera accessible depuis Internet sur le port 80. L'opérateur du réseau n'est pas responsable de ce qui est transmis par son réseau, seulement l'auteur·trice du contenu. Si l'opérateur altère les données, il se rend alors responsable de ce contenu. 
 
C'est une reprise, plus stricte, des obligations des articles L 32-3 et L 32-3-3 du code des postes et communications électroniques.
 
5. Le fournisseur s’interdit de juger de la pertinence ou de l’importance d’un flux de données en lieu et place de ses membres et abonné·e·s. Il s’interdit donc de prioriser le trafic entre les abonné·e·s en dehors de leur accord explicite et de leur plein contrôle.
 
Le fournisseur ne peut pas ralentir ou accélérer les connexions vers un service en partenariat avec ce dernier sans l'accord de ses utilisateurs·trices. 
Exemple : Orange en partenariat avec Deezer. Si l'on prend l'option Deezer le service fonctionne mieux.
 
À l'opposé : si les abonné·e·s sont d'accord pour prioriser sur le réseau les appels téléphoniques en VoIP, et s'iels ont le contrôle sur cette priorisation, ça va.
 
6. Le fournisseur s’interdit de filtrer les accès Internet de ses abonné·e·s, sauf obligation légale stricte. Ces obligations légales, et les moyens techniques mis en œuvre pour les satisfaire, sont clairement indiqués à tous les membres, et donc tou·te·s les abonné·e·s, du fournisseur.
 
Si on est amené à filtrer sur une décision de justice, on doit le dire à nos abonné·e·s, et on doit dire comment on fait. Si on est amené à mettre des boîtes noires, on doit le dire à nos abonné·e·s, et on doit leur dire comment ça marche. Nos abonné·e·s doivent savoir quand on est intervenu, et comment, sur les données qu'iels nous confient à transporter.
 
Par exemple, les boîtes noires, définies dans la loi renseignement, ne sont pas clairement définies. On ne sait pas bien si elles reçoivent tout le trafic, ou seulement les données de connexion. Si une telle boîte était installée chez un membre de la fédération, les abonné⋅e⋅s devraient être informé⋅e⋅s exactement de ce qui est envoyé comme trafic vers cette boîte.
 
7. Le fournisseur s’interdit, s’il fournit des services en ligne autres que le strict accès au réseau Internet, de fournir des services présentant une version altérée du réseau sans l’accord explicite de chaque abonné·e concerné·e et sans mettre à disposition, sans surcoût autre que de la refacturation de frais réels constatés, le même service non altéré (exemples de services altérés : la mise en place de contenus publicitaires sur des pages éditées par les membres, ou la mise en place de contenus publicitaires dans les DNS mis à disposition des membres).
 
Dans l'ancien temps, il est arrivé que des FAIs fournissent des accès "gratuits", qui étaient financés en injectant de la publicité dans les pages web visitées. Pas de ça chez nous :)
 
8. Le fournisseur se doit d’être déclaré comme opérateur auprès de l’autorité de régulation compétente, par exemple, l’Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes pour la France.
 
Cela sert à donner une légitimité d'utilité publique à l'opérateur. Quand vous allez voir le maire du village pour soumettre un projet, lui attester que vous êtes bien reconnu comme opérateur peut aider. De plus quand dans un débat public il est mentionné que les opérateurs ont été consultés cela nous permet de pouvoir dire "Nous non ! Et le texte ne nous convient pas" par exemple.
 
Dit autrement : c'est un point qui donne du pouvoir aux opérateurs de la fédé, qui fabrique de la capacité d'agir.
 
9. Le fournisseur s’oblige, autant qu’il le peut, à aider ceux·celles de ses membres qui souhaitent utiliser l’accès à Internet fourni par l’association pour héberger leurs propres données et services à le faire. Si, faute de ressources bénévoles, il ne peut faire face aux demandes de ses abonné·e·s, il s’engage à leur indiquer la possibilité de contacter d’autres membres de la Fédération FDN.
 
Le fournisseur a le devoir de transmettre de la connaissance et/ou compétence à leurs utilisateurs-trices. Nous avons un devoir de donner du pouvoir, au sens capacité d'agir, à nos adhérent⋅e⋅s. Techniquement comme administrativement.
 
Exemple: un wiki que l'on alimente régulièrement au fur et à mesure que les choses se font est un bon début.
 
10. Le fournisseur s’oblige à un devoir de solidarité, entre autres sous forme d’aide technique, avec les autres adhérent·e·s de la Fédération, ainsi qu’envers leurs membres.
 
Le fournisseur a un devoir de créer du lien social entre les adhérent⋅e⋅s afin que les connaissances puissent s'échanger. Toute personne a un savoir personnel utile.  En se tenant au courant de ce qui se fait au sein des autres FAI fédérés, il peut aussi orienter ses adhérent⋅e⋅s vers des personnes extérieures à sa structure. Les opérateurs sont solidaires entre eux, mais également de l'ensemble des adhérent⋅e⋅s de tous les opérateurs.
 
Exemple : Si un opérateur veut se créer mais manque de compétences, ou de moyens, des personnes présentes dans d'autres structures pourront venir aider soit à montrer comment faire, soit à réaliser le projet.